Où sont passés les 3,8 milliards de dollars de l’accord PETROCARIBE ?

La Cour Nationale des Comptes d’Haïti évoque un détournement à hauteur de 3,8 milliards de dollars des fonds PETROCARIBE.

Le programme PETROCARIBE est initié en 2005 par le gouvernement vénézuélien. A l’époque, le président de cet état sud-américain est Hugo Chavez. Le Vénézuéla est un important pays exportateur de pétrole. Afin d’inciter au développement de certains pays de la Caraïbe, Chavez imagine un accord par lequel il vend le pétrole de son pays à un prix bien inférieur au marché international, libre ensuite aux états signataires de revendre ce pétrole à leurs compagnies nationales moyennant un prix plus élevé. Les bénéfices, selon l’accord, devant servir à financer des infrastructures permettant le développement des pays impliqués dans ce programme.

PETROCARIBE prévoit également, pour les pays signataires, des livraisons de pétrole préférentielles et des délais de paiements importants.

Malgré les nombreux avantages proposés, le Vénézuéla ne s’immiscera jamais dans les affaires des pays signataires. Hugo Chavez déclare qu’il préfère impliquer ainsi les pays signataires dans leur propre développement, plutôt que leur verser des fonds sonnants et trébuchants.

Haïti rejoint ce programme en 2008. Le président René Préval engage son pays, on parle alors de l’accord PETROCARIBE. Le Bureau de Monétisation des Projets d’Aide au Développement (BMPAD) est créé pour gérer les fonds provenant de PETROCARIBE. Il s’agit d’une institution publique placée sous la tutelle du ministère haïtien de l’économie et des finances. Elle est gouvernée par 6 ministres et le gouverneur de la Banque de la République d’Haïti.

Dès lors, les projets fusent dans les ministères à Port au Prince. On parle de modernisation des infrastructures routières, portuaires et aéroportuaires, on évoque la création de zones spéciales pour faciliter l’implantation d’entreprises étrangères ou encore du développement des systèmes sociaux pour venir en aide à la population. Certains vont même jusqu’à imaginer l’implantation sur le réseau routier de lampadaires solaires !

Dans les bureaux feutrés des ministères, on parle, on évoque, on disserte… les fonds PETROCARIBE sont une manne providentielle… Et puis… Rien…

En 2016, huit ans près qu’Haïti ait rejoint le programme, certains opposants politiques dénoncent le fait qu’aucun projet n’a vu le jour, ne serait-ce que sur le papier… ou plutôt, si… un projet a vu le jour… selon le président d’alors, Michel Martelly : le pont Delmas, construit pour faciliter la circulation à Port au Prince, aurait été financé grâce aux fonds PETROCARIBE.

Dans la population, on commence à s’impatienter. A l’été 2016, les premières manifestations ont lieu dans la capitale haïtienne. Les habitants réclament des comptes : « Où passe l’argent de PETROCARIBE ? Où sont passées les promesses de développement » scande-t-on dans les rues de Port au Prince.

En 2017, la Commission Ethique et Anti-Corruption du Sénat haïtien rend public un rapport visant à mettre en évidence des irrégularités dans la gestion des fonds PETROCARIBE. Dans ce rapport, les sénateurs demandent à la Cour des Comptes et du Contentieux Administratif une analyse approfondie de la gestion et de l’affectation des fonds du programme PETROCARIBE.

Cette demande reste lettre morte…. Dans la rue, la population, soutenue par quelques rares médias d’opposition, évoque désormais « le scandale PETROCARIBE ». Les milieux artistiques soutiennent les manifestations et questionnent le gouvernement par le biais des réseaux sociaux : Où est l’argent de PETROCARIBE ? Les dirigeants se calfeutrent dans leur silence.

En 2018, le Vénézuéla est frappé par une grave crise politique…. Le programme PETROCARIBE est suspendu. En Haïti, dans les principales villes du pays, les manifestations se succèdent, avec leur corollaire de répression. Les médias, considérés comme étant d’opposition, sont mal menés. Les journalistes menant des enquêtes approfondies sur ce sujet sont arrêtés, jetés en prison, accusés de diffamation envers l’état. Dans la presse étrangère, PETROCARIBE est peu évoqué…

En mai 2019, dans un rapport de près de 600 pages, vraisemblablement suite à des pressions internationales, la Cour Nationale des Comptes d’Haïti évoque un détournement à hauteur de 3,8 milliards de dollars des fonds PETROCARIBE. Il est établi qu’une grande part de ces fonds, environ 2,5 milliards de dollars, ont été reversés de manière frauduleuse, via des comptes bancaires ouverts dans des paradis fiscaux, aux différents présidents, à certains ministres et autres notables proches des gouvernements haïtiens qui se sont succédé. Le reste, environ 1,3 milliards de dollars, auraient été dilapidés dans des « études » visant à l’élaboration de projets qui n’ont, au final, jamais vu le jour.

A ce jour, aucune sanction n’a été prise à l’encontre des ex-membres des gouvernements haïtiens, de leurs soutiens ou de leurs proches, ayant pu bénéficier des détournements financiers provenant des fonds PETROCARIBE.

LIRE… ECOUTER… VOIR…

RFI : Situation désespérée du peuple haïtien : Le Pape Léon XIV demande le soutien de la communauté internationale. –  www.rfi.fr

TV5 MONDE : Rester en Haïti : Un acte de résistance. – www.tv5monde.com

Outremer la 1ère : les Etats Unis offrent 5 millions de dollars pour l’arrestation du chef de gang Jimmy Chérizier, alias Barbecue. – www.la1erefranceinfo.fr

France Culture : Haïti, la solitude d’un peuple. Entretien avec le géographe franco-haïtien Jean-Marie THEODAT – www.radiofrance.fr

Radio Canada : Haïti déclare un état d’urgence de 3 mois. – www.radiocanada.ca

Alter Presse Haïti : Les forces de l’ordre mettent la pression sur « Viv Ansam »  www.alterpresse.org

Libération : En Haïti, dans les territoires contrôlés par les gangs, la terreur permanente des kidnappings  – www.liberation.fr

Outremer la 1ère : Haïti : L’organisation des Etats Américains appelle à plus de soutien www.la1erefranceinfo.fr

L’actualité : Etats Unis : les haïtiens de Springfield menacés de devoir partir. www.lactualite.com

ONU Genève : Haïti : demain il sera trop tard. – www.ungeneva.org

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À propos de l'auteur

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Patrick PINTO
Ancien rédacteur en chef de France 3 Alpes, où il a géré les équipes éditoriales pour les actualités régionales. Désormais à la retraite, il est secrétaire de l'association SolAyiti, où il rédige les revues de presse pour informer sur la situation en Haïti.
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Patrick PINTO
Ancien rédacteur en chef de France 3 Alpes, où il a géré les équipes éditoriales pour les actualités régionales. Désormais à la retraite, il est secrétaire de l'association SolAyiti, où il rédige les revues de presse pour informer sur la situation en Haïti.

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