Il ne s’agit pas là d’une opération humanitaire d’envergure que financerait l’homme d’affaires américain Erick Prince (1), que l’on dit proche du Président américain Donald Trump ou au moins des idées trumpistes. Erik Prince, aujourd’hui âgé de 55 ans, est le fondateur de la société « Black Water », une société militaire privée. D’aucuns diront une société de mercenaires, un peu à l’image de la tristement célèbre « Wagner » en Russie.
Personnage sulfureux et volontiers controversé, Erik Prince avance plus ou moins discrètement, là où les états reculent ou ne sont plus capables de maintenir un semblant d’ordre sur leur territoire. Sa société « Black Water » était notamment intervenue aux côtés des forces armées américaines en Irak et en Afghanistan.
Selon une récente enquête menée par trois journalistes du New York Times, Haïti pourrait bien être le prochain « champ de bataille » d’Erik Prince. Celui-ci aurait d’ailleurs déjà fourni des drones pour lancer des explosifs dans les secteurs contrôlés par les gangs, notamment à Port au Prince.
Toujours selon les journalistes du New York Times, le Conseil Présidentiel de Transition, en place en Haïti depuis le printemps 2024, aurait été approché par « Black Water » et envisagerait sérieusement une collaboration avec cette dernière.
Environ 150 mercenaires seraient sur le point d’être embauchés par Erik Prince, pour tenter de reprendre les territoires aux mains des gangs et des mafias en Haïti.
Ayant refusé de répondre à une interview, Erik Prince aurait toutefois mentionné aux journalistes que les mercenaires seraient essentiellement recrutés au Salvador, pour mener des actions à l’aide d’hélicoptères. On ne sait pas, en revanche, si une collaboration est envisagée avec les policiers haïtiens et les soldats kenyans de la force multinationale de l’ONU.
De son côté, le gouvernement provisoire haïtien reste silencieux sur un éventuel accord avec « Black Water » et Erik Prince, tout comme sur le financement d’un tel accord. Selon le journal « The Haïtian Times », le financement pourrait provenir, en partie, de milliardaires américains proche d’Erik Prince et/ou des milieux proches du président Trump…. Une gageure quand on sait que ce dernier vient de révoquer le statut de protection de 500 000 haïtiens résidant aux USA.
Selon les sources des journalistes du New York Times, le gouvernement haïtien aurait déjà signé un protocole de collaboration avec Erik Prince. Cependant, les journalistes ne sont pas parvenus à obtenir d’informations sur les termes précis du potentiel contrat.
Un proche du patron de « Black Water » aurait toutefois déclaré qu’Erik Prince ne sera soumis à aucune surveillance des autorités américaines. Selon ce proche, il aura les mains libres sur le terrain, sans obligation de rendre des comptes sur ses opérations, malgré un financement quasi-exclusivement américain, puisque les finances publiques haïtiennes sont exsangues.
Toujours selon ce proche, le projet haïtien d’Erik Prince est un projet d’envergure. Il souhaiterait intervenir en priorité au niveau des douanes et des transports et contribuer au rétablissement des services gouvernementaux à Port au Prince.
Il reste que ce possible partenariat suscite l’inquiétude des organisations humanitaires sur place. Pour ces organisations, l’opacité qu’entrainerait une collaboration avec une société paramilitaire privée pourrait susciter un affrontement. Un de plus pour la population déjà malmenées par les gangs locaux.
Tandis que les autorités haïtiennes en place tentent d’éluder les questions touchant à ce possible partenariat, d’autres en Haïti comme dans la diaspora, prônent le renforcement d’une collaboration avec des forces multinationales sous l’égide de l’ONU, plutôt que le recours à des mercenaires étrangers.
(1) Erik Prince:
Fondateur de la société « Black Water » (Eau Noire), en référence à la région marécageuse de Moyock, dans l’état de Caroline du Nord – USA, où il implante son entreprise. Il est alors âgé de 25 ans.
Erik Prince est décrit comme un personnage trouble, digne des séries télévisées américaines.
Il est le fils d’une famille très fortunée et très religieuse du Michigan. Issu des rangs des forces spéciales de la marine américaine, après avoir servi au Moyen Orient et en Bosnie, il se lance dans la protection rapprochée.
Sous l’administration Bush, après les attentats du 11 septembre 2001, « Black Water » devient un acteur majeur de la privatisation militaire. Il intervient notamment en Irak et en Afghanistan.
Il intervient en sous-main dans des conflits entre états. Il signera en 2011, un contrat avec les Emirats Arabes Unis pour un montant de 529 millions de dollars. On retrouve également sa société « Black Water » au sein d’un réseau de sociétés-écrans opérant dans certaines « zones grises » du droit international.
A voir, écouter ; lire…
Alter Presse : Saison cyclonique 2025 : Haïti face à la double menace des ouragans et des gangs armés – 06/06/2025 – www.alterpresse.org
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RFI : France-Haïti : L’Assemblée Nationale reconnaît l’injustice de la double dette imposée à Haïti – 06/06/2025 – www.rfi.fr
Guadeloupe la 1ère : 1ers vols intérieurs en Haïti depuis la fermeture de l’aéroport international de Port au Prince, en novembre 2024 – 12/06/2025 – www.la1ere.franceinfo.fr
TV5 Monde : La catastrophe sanitaire s’ajoute à celle, humanitaire – 19/06/2025
Martinique la 1ère : L’administration Trump finalise la révocation du statut de protection
de 500 000 haïtiens. – 27/06/2025 – www.la1ere.franceinfo.fr
Buklletin ONU INFO : Toute l’actualité humanitaire en Haïti – www.news.un.org
Rezo Nodwès : 2025 : année de tous les dangers pour les Haïtiens – 27/06/2025