Haïti : un Guernica contemporain

« Un pays en guerre, une sorte de Guernica contemporain, une tragédie humaine, voilà le visage d’Haïti aujourd’hui. » C’est ainsi que débute le discours de Laurent Saint Cyr, l’actuel Président du Conseil Présidentiel de Transition, à la tribune de l’Assemblée Générale des Nations Unies, le 25 septembre dernier.

Meurtres, viols, pillages, famine, plus d’un million de personnes déplacées, voilà bien le constat d’un pays en guerre. Une guerre civile qui ne dit pas son nom. Mais c’est bien d’une guerre dont il s’agit, entre des gangs et des criminels qui veulent imposer la violence comme ordre social et système de gouvernance. Et Laurent Saint Cyr de rappeler que la population est totalement désemparée et lutte pour préserver le peu de dignité humaine qui lui reste.

Depuis un peu plus d’un an, une mission multinationale de sécurité (MMS), dirigée par le Kenya sous l’égide du Conseil de Sécurité de l’ONU, tente de maintenir ou rétablir un semblant d’ordre sans véritable succès. Dans la réalité, sur les 2500 policiers initialement promis pour composer l’effectif de cette force, un millier seulement a été déployé. Pour autant, ce contingent a permis de sécuriser partiellement l’aéroport de Port au Prince et de rouvrir quelques axes routiers, mais n’a pas empêché la capitale haïtienne de sombrer dans l’anarchie et la violence. « Le dévouement et l’engagement des soldats et policiers présents n’a pas permis de contenir la crise. » a également confié laurent saint Cyr.

A ce constat s’ajoute le fait que le mandat de la Mission Multinationale de Sécurité doit prendre fin au cours de ce mois d’octobre.

Avec le soutien des Etats-Unis et du Panama, Haïti souhaite la mise en place d’une force de suppression des gangs qui serait composée d’environ 5 500 hommes. Cette nouvelle force pourrait être mandatée au titre du chapitre 7 de la charte de l’ONU qui autorise le recours à la force en cas de menace contre la paix. Son objectif est clair : tenter de neutraliser les gangs, sécuriser les infrastructures publiques et restaurer la sécurité pour les citoyens.

« Haïti veut la paix, Haïti attend la paix, Haïti a droit à la paix » a en outre déclaré Laurent Saint Cyr. L’enjeu est important car cette force de suppression des gangs éviterait le vide sécuritaire qui suivrait une possible interruption de la mission actuelle. Le Conseil de Sécurité de l’ONU doit se prononcer avant la mi-octobre sur ce projet américano-panaméen.

Pour rappel, environ 6 millions de personnes, soit plus de la moitié de la population du pays, ont besoin d’une aide d’urgence. 1,4 millions de personnes, essentiellement des femmes et des enfants, ont dû quitter leur foyer, menacées et harcelées par les gangs. Les meurtres et les enlèvements sont quotidiens et les cas de violences sexuelles, notamment sur mineurs, ont considérablement augmentés depuis le début de l’année 2025.

« Mais la sécurité n’est qu’une partie de l’équation » a encore précisé le leader haïtien. « Il faut que nous menions à son terme la transition politique actuelle ». Il rappelle qu’aucun scrutin n’a été organisé en Haïti depuis 2016. A la suite de l’assassinat, en 2021, du président Jovenel Moïse, les élections démocratiques prévues en 2023 et 2024 n’ont jamais eu lieu.

Créé en 2024 à la suite d’un compromis difficile entre partis politiques et société civile, le Conseil Présidentiel de Transition doit préparer un retour aux urnes de la population. Selon lui, plus de 80 % des bureaux de vote ont été identifiés et près de 65 millions de dollars ont été mobilisés pour financer ces futures élections. « Le peuple haïtien doit pouvoir choisir démocratiquement ses représentants. L’organisation d’élections libres et crédibles est une étape indispensable pour sortir du provisoire » précise Laurent Saint Cyr.

Toujours lors de l’Assemblée Générale des Nations Unies, le président du Conseil Présidentiel de transition a à nouveau évoqué ce qu’il appelle « la rançon de l’indépendance », à savoir, la somme astronomique que la France avait exigée de son ancienne colonie pour obtenir son indépendance. Par une ordonnance de 1825, l’état français avait imposé à Haïti le paiement de 150 millions de francs or (environ 20 milliards d’euros actuels) en échange de la reconnaissance de son indépendance. Cette « dette » payée jusqu’en 1947 a saigné l’économie haïtienne. Selon Laurent Saint Cyr, « La France a aujourd’hui l’opportunité d’écrire une nouvelle page de son histoire avec Haïti en remboursant cette rançon de l’indépendance. Cette somme représente environ une année de ressources pour notre petit pays ». Ironie de l’Histoire peut-être, la somme de 150 millions de francs or de l’époque représentait également l’équivalent d’une année de ressource pour Haïti.

On se souvient des déclarations récentes du président français, Emmanuel Macron, à la tribune des Nations Unies en faveur d’un processus de « remboursement » de cette dette française qui plombe depuis 2 siècles les relations entre nos 2 pays…. Pour l’heure il ne s’agit que de déclarations de principe, la France, engluée dans une dette abyssale, ne fait sans doute pas d’Haïti une priorité.

A voir… Ecouter… Lire :

 Télé Pluriel : Les gardes côtes américains ont rapatrié 191 migrants en Haïti, suite à une opération au nord de Cap Haïtien – 04/09/2025 – www.teleplutiel.com

L’Humanité : Haïti : Derrière les objectifs impossibles, l’emprise des Etats Unis – 12/09/2025 www.lhumanite.fr

Radio France : Haïti : Le gouvernement dénonce un massacre à Laborie – 16 /09 /2025 www.radiofrance;fr

Alterpresse : Des dizaines de personnes assassinées – 12/09/2025 – www.alterpresse.com

Outremer la 1ère : Un marathon pour la paix organisé en Haïti – 20/09/2025 www.franceinfila1ere.fr

Télé Pluriel : les Etats Unis ont saisi 23 000 armes destinées à Haïti – 20/09/2025 www.telepliruelhaiti.com

Le nouvelliste.com : Cap haïtien : Me Samuel Lamour élu nouveau bâtonnier de l’ordre des avocats. – 26/09/2025 – www.lenouvelliste;com

Radio France : Haïti : les gangs menacent d’une « nouvelle bataille » – 29/09/2025 www.radiofrance.fr

RFI : Haïti : La mission multinationale d’appui à la sécurité va laisser place à une force anti-gangs  – 30/09/2025 – www.rfi.fr

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À propos de l'auteur

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Patrick PINTO
Ancien rédacteur en chef de France 3 Alpes, où il a géré les équipes éditoriales pour les actualités régionales. Désormais à la retraite, il est secrétaire de l'association SolAyiti, où il rédige les revues de presse pour informer sur la situation en Haïti.
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Patrick PINTO
Ancien rédacteur en chef de France 3 Alpes, où il a géré les équipes éditoriales pour les actualités régionales. Désormais à la retraite, il est secrétaire de l'association SolAyiti, où il rédige les revues de presse pour informer sur la situation en Haïti.

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