Il s’appelle Jimmy Chérizier, il serait né en 1976 ou 1977… dans le quartier de Delmas, à Port au Prince.
Certains parmi ses proches, disent qu’il doit son surnom de Barbecue, au fait qu’adolescent, il vendait de la viande grillée dans les rues de la capitale. Pour d’autres, ce surnom vient surtout des exactions auxquelles il se livre depuis quelques années.
Devenu officier de la police nationale haïtienne, on le disait proche de l’ancien Président Jovenel Moïse assassiné en 2021.
Selon les témoignages d’anciens collaborateurs ou de proches de l’ex-président, « Barbecue » bénéficiait des largesses du pouvoir.
Chérizier, alias Barbecue, recevait de l’argent, des armes, des uniformes de police et des véhicules gouvernementaux, de la part de hauts fonctionnaires du gouvernement Moïse.
Récemment, un ex-député confiait à un journaliste de l’agence Reuter : « Depuis plusieurs décennies, si tu veux te maintenir au pouvoir en Haïti, ou conserver ton poste de parlementaire ou de haut-fonctionnaire, tu dois acheter ta tranquillité auprès de policiers corrompus ou de représentants des forces de l’ordre en cheville avec les mafias locales ».
Une réalité que, de toute évidence, Barbecue avait fait sienne. Officier de police charismatique, il s’affichait souvent avec les caïds des gangs de Port au Prince. Il faisait régner une certaine terreur auprès des populations locales, n’hésitant pas à utiliser le racket et la violence comme armes de dissuasion envers ceux qui tentaient de s’opposer à lui.
L’officier de police Chérizier finira par franchir la ligne rouge en 2018. Au prétexte de rétablir l’ordre dans le bidonville de la Saline, il se rendra coupable de l’assassinat de 71 personnes, dont certaines seront brûlées vives dans leur maison.
Il est alors, de facto, démis de ses fonctions de policier. Chérizier niera son implication dans le massacre de la Saline. Aucun procès ne sera intenté contre lui…
En 2020, il se range « officiellement » du côté des gangs, s’auto-proclamant révolutionnaire, défenseur des quartiers populaires. Il crée l’alliance mafieuse « G9 et famille ». Cette alliance regroupe 9 des entités mafieuses les plus redoutées et les plus violentes de Port au Prince. L’influence de « G9 » s’étend désormais bien au-delà de la capitale. Il est aujourd’hui le chef de gang le plus connu en Haïti.
Estimée à un millier de personnes, l’alliance « G9 et famille » est principalement composée d’anciens policiers, d’anciens agents de sécurité, d’anciens fonctionnaires et d’enfants de la rue. Elle commet : meurtres, trafics de stupéfiants, viols et extorsion de fonds.
Moyennant finance, certains anciens proches du pouvoir bénéficient de sa protection.
En 2022, « l’alliance G9 » prend le contrôle des installations de Varreux, principal port pétrolier d’Haïti situé au sud-ouest de Port au Prince, paralysant ainsi l’approvisionnement du pays en carburant. Cet épisode déclenchera plusieurs appels à l’envoi d’une force multinationale, afin d’aider la police haïtienne, totalement dépassée.
Fin 2023 et début 2024, alors que les émeutes font rage dans tout le pays, Barbecue exhorte le 1er ministre Ariel Henry à démissionner, ce dernier ayant perdu toute légitimité auprès de son peuple. Il confiait à des journalistes de France 2 présents sur place : « Si le 1er ministre ne démissionne pas, nous irons vers une guerre civile »
Le 7 mars 2024, lors d’une conférence de presse improvisée, Barbecue Chérizier déclare : « Si Ariel Henry ne s’en va pas alors que le peuple ne veut plus de lui, nous nous acheminerons vers un génocide ».
Quelques jours plus tard, de retour d’un voyage au Kenya, où il était allé négocier l’envoi de troupes auprès des autorités kenyanes, l’avion ministériel dans lequel se trouve Ariel Henry est empêché d’atterrir à Port au Prince et doit se détourner vers Porto Rico. C’est finalement depuis cette île, appartenant aux Etats-Unis, que le 11 mars, il annonce sa démission de la primature.
Dès l’annonce de cette démission, les Etats-Unis qui faisaient pression sur d’autres pays, – notamment le Kenya et la Jamaïque pour l’envoi d’une force multinationale en Haïti, font savoir à Ariel Henry qu’il est le bienvenu s’il souhaite rester sur le sol portoricain.
En attendant en Haïti, le chaos persiste… plus violent que jamais. Le pays n’a plus ni gouvernement, ni parlement. Les forces de police, quand elles ne sont pas corrompues, sont tombées dans les bras des gangs ou sont totalement dépassées et incapables de maintenir un embryon d’ordre et de sécurité.
C’est dans ce contexte que Jimmy Chérizier dit « Barbecue » fait sa loi et se prend désormais pour l’un des hommes forts du pays. De là à l’imaginer à la fonction suprême ou comme chef de gouvernement, il y a encore un pas de géant, que, pour le moment, Barbecue dit ne pas vouloir franchir…. Mais au vu de l’état du pays et de la mollesse de la communauté internationale à agir de manière concrète et efficace pour tenter de rétablir l’ordre en Haïti, tout reste possible y compris l’arrivée un jour au pouvoir d’un Jimmy Chérizier.
Le journaliste haïtien indépendant Etienne Côté-Paluck déclarait il y a quelques jours :
« Ce n’est pas Jimmy Chérizier dit Barbecue comme tel, qui est le plus à craindre, mais la coalition de tous ces groupes armés dont il a pris la tête, car tous ensemble, ils constituent désormais une force devenue assez grande »
En complément de ce texte, voici un lien vers un extrait de l’émission « Envoyé Spécial » de France 2, au sujet des gangs en Haïti – On y voit notamment « Barbecue »
A lire… voir… écouter :
- Le Monde : Port au Prince retrouve un calme précaire – 9 mars 2024
- RTS : L’état d’urgence prolongé d’un mois à Port au Prince – 8 mars 2024
- Le Journal : Daniel Grandclément : « Haïti, l’état sauvage » – 11 mars 2024
- France Info : Le 1er ministre Ariel henry démissionne en pleine vague de violences – 12 mars 2024
- Le Monde : En Haïti, de 40 ans d’instabilité politique, à la menace d’une guerre civile. – 20 mars 2024
- ONU : déclaration à la presse concernant Haïti – 21 mars 2024
- TV5 monde : Haïti : Une situation sécuritaire précaire