Exit les élections démocratiques prévues le 7 février dernier, l’autocrate Ariel Henry se maintient au pouvoir … les Haïtiens sont dans la rue.

Ce mercredi 7 février 2024, c’est la date à laquelle le premier ministre, Ariel Henry, devait se retirer, selon un accord signé par lui-même le 21 décembre 2022. Mais ce ne sera pas le cas, le gouvernement par intérim, qui s’est mis en place après l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021, restera au pouvoir, ce qui provoque un grand mécontentement dans la population.

Port-au-Prince, Ouanaminthe, Gonaïve, Hinche ou encore Cap-Haïtien, dans les principales villes du pays, les tensions sont vives avec des heurts entre la police et les protestataires, comme le rapporte le quotidien haïtien Le Nouvelliste dans ses colonnes. La récente attaque armée contre un commissariat à Ouanaminthe a fait un mort.

« Ouanaminthe en ébullition », titre le journal Gazette Haïti. Toujours selon ce quotidien, des agents de la BSAP, une brigade créée à l’origine pour protéger les forêts, mais qui s’est transformée en milice armée, ont défilé à Port-au-Prince« une véritable démonstration de force », écrit le journal.

On se demande aujourd’hui, légitimement, qui détient véritablement les rênes du pouvoir à Port-au-Prince. Les espoirs de rédemption après les décennies de dictature [22 octobre 1957 – 07 février 1986] semblent s’évanouir, entre incertitude grandissante de voir un jour arriver la démocratie et manifestations violentes à travers le pays.

Près de quatre décennies après le départ de Jean-Claude Duvalier, les espoirs d’une démocratie durable sont une nouvelle fois mis à l’épreuve par la montée en puissance d’un dirigeant auto-proclamé et honni : Ariel Henry, dont la légitimité constitutionnelle est désormais contestée dans les rues, incarne une démocratie en recherche d’elle-même.

« La démocratie est le pire des régimes à l’exception de tous les autres ». Cette citation de Winston Churchill résonne avec une force particulière alors que Haïti, 38 ans après le départ de Jean-Claude Duvalier, se débat dans les affres d’une crise politique d’une ampleur quasiment jamais vue. Le spectre de l’autocratie plane toujours sur cette nation, avec un acteur toujours au pouvoir :  Ariel Henry.

L’Assemblée Nationale haïtienne n’a plus de députés, idem pour le Sénat où les sénateurs ont terminé leur mandat et ne siègent plus… Des élections démocratiques envisagées pour le 7 février de cette année, il ne reste que des cendres et le sang versé dans les rues des villes du pays, suite à des rassemblements anti-pouvoir toujours plus violents.

L’histoire se répète mais les protagonistes changent. Ariel Henry, désormais décrié par toute une population lasse et exaspérée, se retrouve au centre d’une tempête politique sans précédent. La protestation populaire, unanime, clame haut et fort le rejet de son autorité jugée illégitime et arbitraire.

La promesse d’une transition démocratique, censée marquer la fin de son auto-mandat le 7 février, a donc été une illusion cruelle pour les Haïtiens. L’accord signé entre copains-coquins en décembre 2022 n’avait pas envisagé les contours d’une éventuelle défaillance électorale, laissant ainsi le champ libre à une prise de pouvoir sans légitimité constitutionnelle.

La déception est palpable, nourrie par les échecs retentissants du gouvernement de l’actuel premier ministre, Ariel Henry. Des milliers de vies sacrifiées, une recrudescence des actes de violence et de criminalité, l’appauvrissement inexorable de la classe moyenne et de tout le pays. Autant de maux qui ont miné la confiance envers un pseudo leadership qui s’est avéré incompétent et qui est aujourd’hui vilipendé.

Dans cette tourmente politique, la voix de l’ancien député Hugues Célestin, qui faisait il y a quelques semaines encore le décompte des jours restants à Ariel Henry à la Primature, résonne comme un appel sans retour. Il souligne avec justesse l’impérieuse nécessité de rompre avec un cycle de corruption et de dysfonctionnement qui gangrène le processus électoral. Les élections à venir, si un jour il y en a, ne sauraient être confiées à un gouvernement discrédité, sous peine de réitérer les erreurs tragiques du passé.

Le 7 février 2024 devrait s’annoncer comme un tournant décisif dans l’histoire d’Haïti. La tension est à son paroxysme et le risque d’une confrontation fratricide entre les forces de sécurité légales est une menace imminente. L’avenir de la nation haïtienne est désormais sur le fil du rasoir dans l’attente fébrile d’une issue positive incertaine. L’histoire de cette nation tourmentée semble condamnée à répéter ses erreurs, à moins que ne se lève un nouvel espoir de renouveau politique, forgé dans le feu de la résistance populaire et de la quête éternelle de justice et de liberté.

Alors que le pays retient son souffle, la communauté internationale, en tant qu’actrice parfois complice de la descente aux enfers du premier pays noir et indépendant au monde, observe avec une inquiétude palpable… mais ne fait hélas qu’observer l’avenir de cette nation caribéenne tourmentée. Dans ce climat d’incertitude, une seule certitude demeure : le destin d’Haïti se joue aujourd’hui, sur les pavés de ses rues et dans les couloirs d’un pouvoir, qui n’a plus de pouvoir que le nom…

Le 2 février, l’UNESCO et l’UNICEF ont demandé à la communauté internationale, un peu comme on lance une bouteille à la mer, de faire pression sur les dirigeants haïtiens pour que le droit des enfants et leurs droits à l’éducation soient respectés dans le pays.

 

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À propos de l'auteur

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Patrick PINTO
Ancien rédacteur en chef de France 3 Alpes, où il a géré les équipes éditoriales pour les actualités régionales. Désormais à la retraite, il est secrétaire de l'association SolAyiti, où il rédige les revues de presse pour informer sur la situation en Haïti.
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Ancien rédacteur en chef de France 3 Alpes, où il a géré les équipes éditoriales pour les actualités régionales. Désormais à la retraite, il est secrétaire de l'association SolAyiti, où il rédige les revues de presse pour informer sur la situation en Haïti.

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